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La CGT a décidé de ne pas signer l'accord portant révision de l'annexe IV de la Convention collective nationale de l'édition, qui régit le statut des travailleurs à domicile. La déprécarisation annoncée n'est pas là quand les employeurs, en revanche, en sortent sécurisés au maximum.

Il y a un an, le Syndicat national de l’édition (SNE, employeurs) acceptait enfin de revoir en profondeur l’annexe IV de la Convention collective nationale de l’édition (CCNE), texte qui régit le statut des travailleurs à domicile (TAD).

La révision de cette annexe était une demande ancienne des organisations syndicales représentant les salariés et était censée aboutir à une déprécarisation de ce statut de travailleurs payés à la tâche qui était basé sur la fluctuation du volume d’activité en partant de la rémunération.

Plus d’un an après et une dizaine de réunions paritaires, le SNE vient de nous soumettre une proposition d’accord portant révision de cette annexe IV qui institue un nouveau système, censé compenser la précarité liée à la fluctuation de l’activité. Pour résumer, le cœur de cet accord réside dans une « usine à gaz » qui, en fonction de la baisse d’un volume d’activité déterminé par celui de l’année précédente, offre aux TAD deux possibilités : une compensation financière (à partir de 15 % de baisse) ou un report des heures non réalisées. Dans les deux cas, c’est le licenciement qui attendrait le TAD qui refuserait une baisse d’activité de 30 % ou plus.

Au vu de ce qui existe actuellement (les TAD subissent la baisse d’activité sans rien pouvoir y redire), c’est, bien sûr, un plus. Mais un plus largement insuffisant au regard de ce que gagnent les employeurs et des nombreuses autres injustices qui façonnent cette annexe.

Voici les points qui nous poussent à ne pas signer cet accord :

– La nouvelle annexe IV « déprécarise » à la marge les TAD mais sécurise totalement les employeurs qui n’auront plus grand-chose à craindre des prud’hommes au sujet de la fluctuation de l’activité, celle-ci étant désormais juridiquement encadrée par un accord de branche.

– Le lissage de la rémunération des TAD sera soumis au bon vouloir de l’employeur alors qu’il est la seule vraie garantie pour les TAD que les maisons d’édition respectent, a minima, leurs engagements en termes de volume de travail.

– Le SNE a refusé de faire entrer l’ensemble des TAD dans le corps de la CCNE (ce qui nous vaudra encore cette expression intolérable : « les TAD autres que les correcteurs…» dans l’annexe IV), aussi les TAD vont-ils continuer à être discriminés par rapport aux salariés sur site ― les TAD cadres, notamment, se verront attribuer des indemnités de licenciement moindres par rapport à celles que la convention collective prévoit pour les autres salariés.

– Du fait de sa rédaction volontairement très minimaliste par endroits, cette annexe révisée va de nouveau donner lieu à interprétations. Lesquelles, au regard du rapport de force dans la branche, seront rarement en faveur des TAD, travailleurs isolés au statut fragile.

– Le SNE a refusé de revoir la classification des correcteurs : ils resteront dans la catégorie « employés E9 », même s’ils font, de façon déguisée, des préparations de copie.

– Le SNE a refusé de revoir les cadences et de les unifier à la baisse (bien qu’ayant promis de le faire, le SNE n’a pas pris le temps d’effectuer un tour d’horizon des pratiques les plus courantes).

– L’auto-entrepreneuriat va rester dans le paysage de l’édition et l’annexe IV révisée ne sera donc guère appliquée, étant donné l’affection galopante que les maisons d’édition éprouvent pour ce régime qui, tout en leur faisant faire de substantielles économies, les dispensent de gérer du personnel, de respecter le Code du travail et de payer les cotisations sociales ― le SNE n’a d’ailleurs pas honoré sa promesse de fournir aux organisations syndicales de salariés un état des lieux précis dans ce domaine.

– Le SNE a refusé de revoir en profondeur cette annexe IV, supprimant purement et simplement ce qui ne faisait pas consensus plutôt que de poursuivre la négociation. Cette attitude intransigeante fait que ce texte, bricolé et très expurgé, ne déprécarise pas véritablement les TAD et ne reflète nullement l’évolution de leur travail sur le terrain.

Pour toutes ces raisons, la CGT ne signera donc pas ce projet de révision de l’annexe IV de la CCN de l’édition, mais elle continuera à lutter, aux côtés des travailleurs à domicile, pour la reconnaissance de leurs droits et leurs conditions de travail et de rémunérations.

Paris, le 12 novembre 2018

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