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Deux correctrices du journal Le Monde publient, dans les colonnes du quotidien du soir, un bel article sur les débats qui agitent les cassetins à propos de l'évolution de la langue française. 

Il est à lire ici ou ci-dessous.

Comment les correcteurs du « Monde » débattent sur la langue

Pour certains, changer les mots ne changera pas les mœurs, pour d’autres, il faut forcer les résistances dans le langage comme ailleurs.

Comment les correcteurs, en particulier ceux du Monde, doivent-ils se situer lorsqu’un important débat sur la langue française agite la société ? Eh bien, ils débattent aussi, et ne sont pas, tant s’en faut, toujours d’accord entre eux. L’écriture inclusive et la place du féminin dans la langue en général sont des sujets qui provoquent toujours bien des vagues mais qui ont pris, par glissement, depuis le scandale qui entoure le producteur hollywoodien Weinstein, puis le mouvement qui s’est ensuivi, un caractère particulièrement passionnel.

Certains d’entre nous (et certaines : les femmes sont bien plus nombreuses dans les services de correction ; le féminin devrait-il l’emporter sur le masculin ?) pensent que le fait de féminiser « artificiellement » et de façon volontariste la langue ne changera pas les mœurs et qu’il est déjà suffisamment difficile de jongler avec une grammaire compliquée (pour les accords surtout) sans ajouter de nouvelles règles : on ne décrète pas les changements d’une langue, on ne « moralise » pas la langue. D’autres sont persuadés, au contraire, que certains détails influent sur un mode de pensée, pèsent sur celui-ci, ou qu’ils ne sont que la confirmation d’une évolution voulue et l’entérinent : il faut forcer les résistances, dans la langue comme ailleurs.

Désaccords et hésitations

Quoi qu’il en soit, la féminisation des fonctions et des métiers fait partie depuis plusieurs années de la « marche » (les règles internes) du Monde,avec quelques désaccords ou hésitations sur certaines terminaisons (auteure ou autrice, chercheure ou chercheuse…). En 1991, Edith ­Cresson était encore « le premier ministre ». Aujourd’hui, nous n’avons plus que des « madame la ministre », et, même lorsqu’une femme interviewée ou une contributrice extérieure donne son titre au masculin, nous le mettons d’office au féminin. Nous ne parlons plus de la « Journée de la femme », mais de la « Journée des droits des femmes » ou de la « Journée des femmes ».

La plupart des correcteurs du Monde sont en revanche plus que sceptiques sur l’emploi du « point médian » (les chômeur·euse·s) et l’énumération systématique du féminin et du masculin (« les sénatrices et les sénateurs… »). Ces recommandations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes leur semblent adaptées pour la communication publique, officielle, mais ni pour la littérature (que dire de la poésie !) ni pour un quotidien (ah, les titres !), où l’œil trébucherait sans cesse.

L’accord de proximité séduit

Des discussions animées ont lieu sur l’emploi de l’accord de proximité (« les hommes et les femmes sont belles ») : il séduit peut-être davantage, en raison de l’introduction tardive de l’accord au masculin (XVIIe siècle) et de la justification qui en fut donnée (« Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle », Nicolas Beauzée, grammairien, 1767). De même pour l’accord par le nombre (« mille femmes et un homme sont arrivées »), qui paraît sans doute logique.

De toute façon, les journaux et leurs services de correction ne sont qu’un des lieux parmi d’autres (dictionnaires, ­Université, Académie française, usage surtout…) où les changements prennent corps. Conscients de la nécessité d’avancer, nous restons donc attentifs à l’évolution du débat et de l’usage, et poursuivons notre réflexion.

 Muriel Gilbert et Marion Hérold

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