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Pour tous les correcteurs,
lecteurs-correcteurs et rédacteurs-réviseurs

Les correcteurs et correctrices se sont organisés en syndicat dès 1881 et ont rejoint la CGT en 1895. Aujourdhui réunis en section de métier dans le Syndicat général du Livre et de la communication écrite CGT, nous avons pour vocation de fédérer et défendre tous les correcteurs, quils travaillent dans la presse, lédition ou la publicité, sous un statut salarié (TAD, pigistes) ou de microentrepreneur.

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Retour du syndicat sur les négociations en cours dans la branche de l'édition sur le statut des correcteurs travailleurs à domicile. 

Décidément, dans l’édition, les négociations connaissent un rythme sans cesse chamboulé. Un peu comme le montant des salaires des travailleurs à domicile (TAD) de cette branche, dont le statut, défini par l’annexe IV de la convention collective nationale de l’édition, est justement au cœur des discussions paritaires depuis des années. Il faut dire que l’on part de loin, tant ces petites mains de l’ombre, isolées, subissent de plein fouet une précarité scandaleuse. L’Impac s’étant déjà fait l’écho, à plusieurs reprises, de l’avancée des discussions et des différentes actions syndicales qui les ont accompagnées, inutile de repartir de zéro.

Des discussions sous de bons auspices ?

Rappelons seulement qu’après des années de sur-place, de piétinement – la faute à un patronat, organisé dans le Syndicat national de l’édition (SNE), décidé à ne rien lâcher pour conserver la précieuse précarité de ses TAD –, les négociations ont connu un sérieux coup d’accélération en octobre 2017, avec la mise en place d’un groupe de travail paritaire spécifiquement consacré à cette question. Piloté, côté patronal, par Sébastien Abgrall, DRH du groupe Madrigall-Gallimard, il s’est réuni une petite dizaine de fois en cinq mois, en plus des commissions paritaires de branche.

Quelle ne fut pas notre surprise, lors des toutes premières réunions, quand nous entendîmes le SNE non seulement louer le métier de correcteur, mais surtout s’engager à rectifier le tir pour lancer une « sécurisation réelle » du statut des TAD. Fini la précarité ? On n’en était pas loin, dans le discours du moins, avec quelques promesses : le maintien du salaire en cas de maladie, la création d’un fonds mutualisé pour les TAD n’ayant pas de bonne mutuelle d’entreprise, l’accès des TAD aux plans de formation des maisons d’édition. Des avancées concrètes, certes, mais qui n’en restent pas moins le minimum légal… Autrement dit, le SNE a juste décidé de se mettre enfin en conformité avec la loi, de régulariser une situation qui l’exposait à de lourdes condamnations devant les conseils de prud’hommes.

Outre ces engagements, le SNE s’est montré favorable à encadrer la fluctuation du volume de travail fourni aux TAD, à l’origine de la disparité de leurs revenus d’un mois à l’autre. Pour cela, il a proposé deux mesures novatrices :

– Définir pour chaque TAD un volume prévisible d’activité réexaminé chaque année et basé sur la moyenne des trois dernières années (ou bien celle des 12 ou 24 derniers mois, selon le calcul le plus favorable au salarié). 

– Fixer un seuil de variabilité de cette activité prévisible à 15 % : en dessous de ce seuil, la baisse d’activité est considérée comme normale ; au-dessus, et jusqu’à 30 %, elle ouvre droit à une indemnisation financière (de 15 %). Au-delà de 30 %, deux choix s’offriraient aux TAD : soit il refuse la baisse et peut demander une rupture du contrat de travail (licenciement économique), soit il l’accepte, signe un avenant à son contrat (qui diminue le volume prévisible d’activité) et est indemnisé (quoique sur l’indemnisation le SNE n’est, là, pas très clair).

Après l’enthousiasme, la douche froide

Toutefois, notre enthousiasme de départ a vite replongé, à l’instar, là encore, des revenus des TAD. Car passé ces promesses – qui, certes, constituent un mieux par rapport à l’existant mais demeurent insuffisantes pour engager une déprécarisation réelle –, le SNE s’est montré incapable de bouger sur trois éléments qui, pour la CGT, sont essentiels et fondamentaux :

– Le lissage des salaires des TAD sur l’année.

– Les indemnités de licenciement conventionnelles.

– L'arrêt du chantage à l’auto-entrepreneuriat pour faire corriger les ouvrages.

Détaillons.

Le lissage des salaires. Il s’agit de garantir un salaire minimum mensuel aux TAD en lissant sur l’année leurs revenus, calculés sur la base de ceux de l’année précédente. L’enjeu, pour les TAD (salariés payés à la tâche, rappelons-le), c’est d’éviter les mois à 0 euro (quand un éditeur ne leur fournit pas de travail ou quand ils prennent leurs congés…) et de s’assurer un minimum de stabilité financière à une époque où l’on nous demande de fournir des garanties pour avoir droit à des choses aussi essentielles qu’un logement. Si le SNE est d’accord pour que la nouvelle annexe IV mentionne le lissage des salaires, il souhaite que celui-ci soit laissé au bon vouloir de l’employeur : le TAD peut le demander, mais c’est le patron qui, seul, décidera de l’appliquer ou pas. En outre, il exige que la demande ne puisse être formulée qu’à partir de 800 heures de travail effectuées sur l’année, là où nous demandons 500 heures.

Les indemnités de licenciement. En cas de rupture du contrat de travail, le SNE ne veut accorder aux TAD que les indemnités de licenciement conventionnelles « employés », même s’ils sont cadres. Et encore, il s’agit là d’un léger progrès puisque, initialement, le SNE ne voulait accorder que les indemnités prévues par le Code du travail, moins favorables que celles établies par la convention collective ! Un exemple criant de la discrimination dont sont victimes les TAD : ils dépendent d’une convention collective dont ils ne pourraient même pas bénéficier. La CGT exige que les indemnités de licenciement soient celles prévues par la convention collective selon les catégories professionnelles.

L'arrêt du chantage à l’auto-entrepreneuriat. Aujourd’hui, le chantage à l’auto-entrepreneuriat, qui se développe tous azimuts dans la branche – au mépris de la convention collective, qui stipule que le correcteur est salarié –, est un des principaux responsables de la dégradation des conditions de travail des correcteurs. Mais, attention, il ne s'agit pas pour nous de pointer du doigt les auto-entrepreneurs – qui ne sauraient être nos ennemis, et dont certains sont debout pour défendre le métier et adhérents à notre syndicat –, mais bien les éditeurs qui imposent ce statut à leurs salariés ou à ceux qui voudraient l'être. Car sans protection du Code du travail, non soumis à un revenu minimum, devant lui-même assumer les cotisations sociales, le correcteur auto-entrepreneur est, dans son écrasante majorité, un correcteur ultra-précarisé, à qui les éditeurs peuvent imposer des tarifs dérisoires, des délais insoutenables et… des licenciements gratuits et sans recours prud’homal possible (à moins de demander une requalification de la relation de travail en CDI). Et le SNE essaie de jouer de ce statut pour diviser et, ainsi, arriver à ses fins, en nous avertissant ainsi en réunion paritaire : « Attention, si vous êtes trop gourmands (sic) sur le statut des TAD [entendre : si vous cherchez à trop le sécuriser], les éditeurs recourront massivement à l'auto-entrepreneuriat. » Et, de fait, les éditeurs préféreront toujours un auto-entrepreneur fragile et exposé à un TAD au statut encadré et réglementé par la convention collective et le Code du travail. Et c'est bien pourquoi, aujourd’hui, le SNE persiste et signe : pour lui, l’auto-entrepreneuriat dans la correction est légal et il doit pouvoir librement cohabiter avec le statut de TAD. 

Quelles suites ?

Lors de la réunion du groupe de travail paritaire du 13 mars 2018, le SNE a remis aux organisations syndicales représentatives un projet d’accord portant révision de l’annexe IV à la convention collective nationale de l’édition. Le contenu ne prend pas en compte les revendications exposées ci-dessus, se basant uniquement sur les desiderata du SNE. L’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC et FO), qui fonctionne très bien, va se réunir courant mars pour « martyriser » ce projet d’accord afin d’y intégrer nos exigences. Mais l’horizon n’est pas bien lumineux : pour nous fournir ce projet d’accord qui ne nous convient pas en l’état, le SNE a dû batailler sévèrement en interne face à des employeurs encore plus réactionnaires qui voient d’un mauvais œil les quelques miettes concédées aux TAD. Qu’en sera-t-il, alors, d’un projet d’accord que l’intervention des organisations syndicales aura rendu davantage favorable aux salariés ? Mystère. Toujours est-il qu’en l’état ces négociations aboutiraient moins à une sécurisation des TAD qu’à celle des employeurs, en encadrant légalement des pratiques qui, pour l’heure, ne le sont pas et les exposent à la justice prud’homale.

Guillaume Goutte
Secrétaire de la section des correcteurs du SGLCE-CGT

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