Intervention du secrétaire de la section des correcteurs du SGLCE-CGT lors de l'assemblée générale du 25 novembre 2017.
Notre assemblée générale s’ouvre dans un contexte un peu particulier, celui d’un mouvement social interprofessionnel et national contre les ordonnances prises cet été par Emmanuel Macron pour « réformer le travail ». Une réforme, ou plutôt une attaque de plus contre nos droits de travailleurs, qui vient remettre en cause des pans entiers du Code du travail, expose les salariés à plus de précarité et sécurise davantage la délinquance patronale. La même logique qui avait guidé l’œuvre du quinquennat précédent, mais qui s’exprime aujourd’hui sans l’hypocrisie « socialiste », avec tout le mépris et l’arrogance de la classe dominante.
Ce mouvement social nous laisse toutefois un goût amer, celui de la défaite. Car nul n’est dupe : le gouvernement ne reculera pas. La mobilisation a été beaucoup trop faible, et il est l’heure, une fois de plus, de tirer le bilan de ce nouvel échec. Au rang des responsables, la désunion syndicale, qui a vu exploser le bloc contestataire de 2016, avec une confédération FO qui, après avoir combattu la loi Travail version Hollande, a applaudi des deux mains celle de Macron… Même si nombre de fédérations et d’unions départementales FO ont mené la fronde contre leur direction confédérale, la CGT s’en est retrouvée que plus isolée sur le front de la lutte. Mais FO n’est pas le seul responsable, loin s’en faut, et il serait temps, aujourd’hui, de se demander pourquoi, à chaque nouvelle attaque gouvernementale, l’on rejoue le même jeu, la même stratégie qui, pourtant, ne nous a jamais amenés à la victoire.
Nous répétons systématiquement le même schéma, en faisant de la rue le creuset de la mobilisation, le principal terrain de la conflictualité, alors que la lutte des classes se mène avant tout dans les entreprises. Les gouvernements d’aujourd’hui ne craignent plus des manifestations monstres, le seul langage qu’ils comprennent est celui de la grève et du blocage. Il est impératif, donc, de subvertir un peu nos habitudes, et de repartir au contact des salariés, dans nos boîtes, pour renouer le dialogue syndical, pour essayer de convaincre, pour informer, pour former et, au final, pour associer un maximum de collègues aux mobilisations. C’est là que se trouvent les bases du rapport de force nécessaire, car c’est là qu’on peut frapper au cœur du capitalisme, à savoir la production. C’est ce que nous avons essayé de faire, au SGLCE-CGT, en faisant précéder chaque journée de mobilisation par la tenue d’assemblées générales dans certaines des entreprises où nous sommes implantés (essentiellement des imprimeries et des sièges éditoriaux de presse), ce qui s’est ensuite traduit par des cortèges plus fournis que d’habitude lors des manifestations. Mais cela ne suffit pas, il faut aussi renouer avec les grèves, dans la mesure où nous sommes en capacité de les faire (certains statuts « l’interdisent » de fait, et les correcteurs en savent quelque chose), et avec ce qu’elles impliquent en termes de solidarité, notamment financières. Mais des grèves éparpillées, sans lien entre elles, ne nous offriront pas grand-chose, et l’ancrage interprofessionnel de notre syndicalisme est donc impératif et nécessaire pour être à la hauteur de nos ambitions.
D’autres batailles se dessinent à l’horizon, Macron et son gouvernement prévoyant également de s’attaquer prochainement à l’assurance-chômage et à la formation professionnelle. Gageons que nous saurons rapidement tirer les conclusions que nous imposent les deux échecs que nous venons d’essuyer en moins de deux ans. Et que nous saurons nous montrer capables de repenser notre intervention et notre action.
Heureusement, sur le terrain corporatif, quelques petites victoires ou avancées non négligeables viennent nous remonter le moral…
Dans l’édition, c’est la volonté exprimée par le Syndicat national de l’édition d’accéder enfin à certaines de nos revendications sur l’amélioration du statut de travailleur à domicile. Si le compte est encore loin d’y être, quelques avancées en matière de formation professionnelle et de maladie sont à saluer, bien qu’elles demeurent la base, le minimum légal, auquel ce statut si précaire « échappait » jusque-là, au grand bonheur des employeurs.
Dans la presse, c’est la signature, au Monde, d’un accord qui met un terme aux inégalités salariales entre pigistes payés à la journée. Fruit d’une négociation lancée et animée par un collectif de pigistes du journal (dont nombre de correcteurs), l’accord établit une rémunération basée sur l’ancienneté professionnelle, avec trois paliers vite atteignables (le dernier étant accessible dès trois ans). Concrètement, l’accord, qui s’applique à tous les pigistes, se traduit par une augmentation de salaire sensible pour l’immense majorité de ces précaires. S’il ne concerne que Le Monde, cet accord peut dès aujourd’hui servir de base, de modèle, pour nourrir des revendications similaires dans les titres de presse où l’inégalité de traitement est la donne entre pigistes.
Pour autant, en édition comme en presse, il reste énormément à faire, avec toujours le même ennemi à combattre : la précarité, qui s’impose toujours un peu plus comme mode de gestion privilégié de la force de travail… Que ce soit les maisons d’édition avec leur flotte de TAD et d’auto-entrepreneurs ou les journaux et leur vivier de pigistes, partout, c’est la précarité, la flexibilité, l’insécurité sociale qui régissent les relations de travail. Et le SNE nous le rappellera bientôt, puisqu’il nous a déjà dit vouloir mettre en place le CDI de chantier dans la branche, comme le lui permettent les ordonnances Macron dont je parlais juste avant…
Parallèlement, la parole des correcteurs est attendue et écoutée. Le nombre d’articles, d’émissions et de livres consacrés à notre métier, son histoire et ses luttes actuelles est assez étonnant, tant les auteurs sont prolifiques à notre sujet – quand nous ne le sommes pas nous-mêmes. Nous avons aujourd’hui une oreille attentive, et il est impératif pour nous de continuer à nous faire connaître, à prendre le micro ou la plume quand on nous les tend pour médiatiser les situations souvent difficiles dans lesquelles nous exerçons notre métier. Ne plus être des syndicalistes de l’ombre, en somme, et crier haut et fort que les patrons de la sacro-sainte culture et de la liberté d’expression sont, bien souvent, des exploiteurs décomplexés.
Guillaume Goutte
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