Pour tous les correcteurs,
lecteurs-correcteurs et rédacteurs-réviseurs
Les correcteurs et correctrices se sont organisés en syndicat dès 1881 et ont rejoint la CGT en 1895. Aujourd’hui réunis en section de métier dans le Syndicat général du Livre et de la communication écrite CGT, nous avons pour vocation de fédérer et défendre tous les correcteurs, qu’ils travaillent dans la presse, l’édition ou la publicité, sous un statut salarié (TAD, pigistes) ou de microentrepreneur.
Qu’est-ce qu’un TAD, pour commencer ? TAD signifie « travailleur à domicile ». Mais est-on mieux renseigné une fois qu’on a le développé de ce sigle ?
Généralement, quand on parle de travail à domicile, on pense à assistant(e) maternel(le), employé(e) de maison, aide à la personne… bref, à tous ces emplois précarisés, dévalorisés et peu qualifiés, qui concernent essentiellement les femmes. Si les TAD édition constituent effectivement une main-d’œuvre très féminine (à 81,2%) et précarisée (leur temps de travail est inférieur à un temps plein pour 66,7% d’entre eux et 53,3 % perçoivent un revenu annuel net inférieur à 15 000 euros), la comparaison s’arrête là : ils sont très qualifiés (75,9% ont un niveau de diplôme supérieur ou égal à bac + 3 ; près de 10% ont un niveau de diplôme supérieur à bac + 5).
Les chiffres donnés supra et infra proviennent d’une étude de 2015 intitulée Conditions et formes d’emploi des journalistes pigistes et travailleurs de l’édition. Quelle sécurisation ? Cette recherche conduite par l’IRES (Institut de recherches économiques et sociales) à la demande de la CGT et FO est la plus fiable dont nous disposons à l’heure actuelle sur les TAD édition.
Toujours selon cette étude, les TAD exercent différents métiers dans le secteur de l’édition. 82,20 % d’entre eux sont lecteurs-correcteurs et/ou correcteurs, 0,7% sont maquettistes, 17,8 % ont une fonction autre (iconographe, illustrateur, traducteur, éditeur…). Ils sont plutôt âgés (la classe d’âge la plus représentée étant celle des 52 ans et plus).
S’ils travaillent à domicile, sont-ils en free lance ? Non ! En télétravail, alors ? Toujours pas… Quel est donc leur étonnant statut ?
Le travailleur à domicile est défini aux articles L. 7412-2 à L. 7412-3 du Code du travail :
Un chef d'entreprise peut faire réaliser certains travaux hors de son établissement par un ou plusieurs travailleurs à domicile. Le chef d’entreprise est qualifié de donneur d'ouvrage. Le travailleur à domicile a la qualité de salarié. (…) Contre une rémunération forfaitaire fixée à l'avance, sur la base d'un tarif horaire et d'un temps d'exécution, le travailleur à domicile exécute chez lui des travaux [en clair, le TAD est payé à la tâche].
(...) Le travailleur à domicile bénéficie des dispositions législatives et réglementaires applicables aux salariés (Art. L.721- 6) ainsi que des conventions et accords collectifs applicables au chef d'établissement, donneur d'ouvrage, sauf stipulations contraires prévues par ces textes. (…) Le salaire du travailleur à domicile est complété par des frais d'atelier (frais engagés au domicile : loyer, chauffage, éclairage du local de travail...) et des frais accessoires. En général, les frais d’atelier sont calculés en pourcentage du temps d’exécution des travaux. Si le travailleur à domicile doit travailler au-delà de 8 heures de travail par jour ouvrable pour respecter les délais de livraison qui lui sont demandés, son salaire est majoré au minimum : de 25 % pour les 9e et 10e heures et de 50 % à partir de la 11è heure. La convention ou l'accord applicable peut prévoir des taux de majoration plus élevés. La rémunération du travailleur à domicile est également majorée lorsqu'il est obligé de travailler un dimanche ou un jour férié.
(…) Le donneur d'ouvrage n'est pas obligé, sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, de fournir un volume de travail constant au travailleur à domicile. Toutefois, il ne peut pas modifier durablement, de façon unilatérale et sans se justifier, la quantité de travail fourni et la rémunération du travailleur à domicile, ou s'abstenir de fournir, pendant plusieurs mois et sans motif, du travail à un salarié sans lui proposer une solution de remplacement. (…)
Dans la réalité, le TAD se voit rarement proposer une solution de remplacement en cas de non-fourniture de travail par son donneur d’ouvrage. Il lui faut donc se tourner vers d’autres donneurs d’ouvrage. Ce qui, outre un emploi du temps à géométrie très variable, lui vaut d’avoir plusieurs statuts : il peut être en CDI pour l’un (58,6% des TAD sont dans ce cas), en CDD pour un autre, payé en droits d’auteur (illégal) pour un troisième et/ou obligé de se déclarer auto-entrepreneur pour un quatrième (tout aussi illégal).
Avoir un CDI, ce n’est déjà pas si mal par les temps qui courent, non ? Un CDI, oui, mais sans garantie minimale de travail. Le TAD étant payé à la tâche n’a pas forcément un salaire tous les mois. Le plus drôle (enfin, façon de parler) étant que, bien qu’il cotise pour l’assurance chômage, il n’y a pas droit quand il est sans travail : eh bien, oui, pourquoi y aurait-il droit puisqu’il est en CDI ?!
Les maisons d’édition gardent ainsi dans leurs effectifs nombre de TAD en CDI à qui elles ne confient plus ou presque plus de travail, mais qu’elles ne veulent surtout pas licencier ― elles n’y ont en effet aucun intérêt ! Ne restent alors aux TAD concernés qu’à les assigner aux prud’hommes pour obtenir un licenciement en bonne et due forme et pouvoir s’inscrire à Pôle emploi.
Le TAD ne bénéficie pas non plus des avantages des salariés travaillant sur site :
- on ne lui paye pas les jours fériés (il n’a droit qu’aux 10 % de congés payés)
- il n’a pas de jours pour enfants malades (pour quoi faire, n’est-ce pas ? puisqu’il travaille chez lui !)
- en cas d’arrêt maladie, il ne perçoit le plus souvent que l’indemnité SS
- il ne passe pas la visite médicale du travail
- il fait l’avance des cotisations de mutuelle ‒ qu’il doit payer plein pot les mois sans salaire
- il est tenu à l’écart des réunions de l’entreprise
- il n’est pas payé pendant son temps de formation ‒ si tant est qu’il parvienne à se faire payer une formation
En résumé, ces salariés (sous-salariés, plutôt) qui travaillent à la demande, qui ne coûtent rien en matériel et en mètres carrés, qui sont très peu revendicatifs car isolés et esseulés, constituent une aubaine pour les maisons d’édition.
Mais ces dernières ont encore trouvé mieux : les auto-entrepreneurs. Avec ceux-ci, pas de charges sociales à payer ! Pas besoin de payer de mutuelle ni de congés… ! Pas besoin de faire sembler d’appliquer l’annexe IV de la convention collective de l’édition qui régit le statut des TAD. Et, surtout, elles peuvent faire jouer la concurrence et pratiquer à plein le dumping social.
En bref, les maisons d’édition n’ont pas attendu les lois Travail ni les ordonnances Macron pour ubériser leurs salariés, leur imposer des contrats à heure zéro, etc.
On constate donc à l’heure actuelle une érosion de la population des TAD édition au bénéfice des auto-entrepreneurs. En 2009, on estimait à 10 000 le nombre de TAD édition ; aujourd’hui, d’après le rapport de branche du Syndicat national de l’édition, ils seraient moins de 700 !
Malgré tout, toujours selon l’enquête IRES, les TAD se disent satisfaits, à 70,4%, de leur régime de travail spécifique. Ils ne souhaitent généralement pas être embauchés sur un poste en interne dans l’entreprise (73% y sont opposés). La recherche d’une plus grande autonomie dans le travail, voire d’une certaine solitude, est donc un élément primordial chez les TAD.
Certes, la liberté n’a pas de prix, mais les TAD ont-ils d’autre choix que celui d’être aux ordres des donneurs d’ouvrage ? d’accepter tout ce qu’on leur propose de peur de ne plus se voir fournir de travail ? À cet égard, il serait moins hypocrite de dire que « TAD » signifie « trimeur à disposition ».
Danièle Bouilly
Secrétaire à l'édition
des correcteurs (SGLCE-CGT)
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