Adhésion

Pour tous les correcteurs,
lecteurs-correcteurs et rédacteurs-réviseurs

Les correcteurs et correctrices se sont organisés en syndicat dès 1881 et ont rejoint la CGT en 1895. Aujourdhui réunis en section de métier dans le Syndicat général du Livre et de la communication écrite CGT, nous avons pour vocation de fédérer et défendre tous les correcteurs, quils travaillent dans la presse, lédition ou la publicité, sous un statut salarié (TAD, pigistes) ou de microentrepreneur.

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Coup de gueule salutaire d'une correctrice d'édition, travailleuse à domicile et, par ailleurs, représentante du syndicat dans les négociations paritaires de la branche. 

« Est-ce que vous seriez intéressée par des travaux de préparation de copie (sur fichier, intégrées) et/ou des corrections d’épreuves, sur des romans français et étrangers ? »

Évidemment que je suis intéressée ! Quel correcteur d’édition ne le serait pas ? C’est la proposition qu’il attend (quelquefois désespérément) depuis son entrée dans la profession. Sans compter que cette demande émane d’une grande maison d’édition parisienne.

Hélas, la deuxième phrase du message douche mon enthousiasme.

« J’ai une équipe de correcteurs en TAD qui se réduit pour diverses raisons et je cherche à l’étoffer en faisant travailler de nouveaux correcteurs indépendants. »

Je vois rouge même. Le contenu de ce message est tellement en décalage avec ce que j’entends au groupe de travail paritaire (organisations syndicales et employeurs) chargé de réviser le statut de « TAD » auquel je participe : il est faux de dire que les maisons d’édition ne font plus travailler que des indépendants, elles signent nombre de CDI et de CDD ― le pire étant que le représentant du Syndicat national de l’édition (SNE, employeurs) qui a déclaré cela n’est autre que le DRH d’Editis, dont fait partie la maison d’édition qui m’envoie cette proposition.

Alors je tends le bâton pour me faire battre en m’étonnant que cette collaboration ne puisse pas se faire dans le cadre d’un CDI, à tout le moins d’un CDD, puisqu’il ne semble pas s’agir de travaux ponctuels. Bien sûr, on me confirme qu’une collaboration salariée n’est absolument pas envisageable, et je donne le tarif qui est le mien quand on m’oblige à facturer mes travaux, tarif qui inclut bien sûr les charges que je paie à la place de l’éditeur.

Et, là, je comprends tout de suite que j’ai commis un crime de lèse-majesté… En effet, dans l’esprit de l’éditeur, le correcteur, même s’il est free-lance, n’a pas à inverser les rôles… Le tarif, c’est la prérogative de la maison d’édition ! Comment le correcteur, ce misérable dernier maillon de la chaîne éditoriale, aurait-il conscience des innombrables charges qui entrent en jeu dans la fabrication d’un livre ? « Nos tarifs sont très corrects », m’objecte aigrement ma correspondante. « Nos » tarifs… !

Je crois que c’est ça qui m’insupporte le plus ! Non pas tant que les éditeurs ne veulent plus salarier leurs correcteurs mais qu’ils se comportent toujours avec eux comme des employeurs ― certains ne voyant pas non plus d’incohérences dans le fait de demander des lettres de motivation et des CV à des free-lances... Alors que voici, encore et toujours, ce que professe le SNE : il n’est pas illégal pour une maison d’édition de recourir à un auto-entrepreneur dans la mesure où elle joue les règles du contrat commercial.

J’ai bien sûr demandé à cette dame ce qu’était un tarif « correct » selon elle. J’attends toujours sa réponse.

Bien sûr, toutes ces mauvaises pratiques, je les connais et les subis depuis quelques années déjà. Et c’est sans doute que j’ai voulu croire, en octobre dernier, que les choses allaient changer avec la mise en place du groupe de travail paritaire sur les TAD que je suis si amère et désenchantée aujourd’hui. « La sécurisation et un meilleur encadrement du statut du TAD vont inciter les maisons d’édition à donner la préférence aux TAD », a affirmé le DRH du groupe Madrigall, le 4 octobre 2017. Et Pierre Dutilleul, le DG du SNE, n’a pas craint d’ajouter, toujours lors de cette première séance du GDT TAD : « La qualité de l’édition française est due aux TAD, donc il faut se donner les moyens de la maintenir et on peut le faire car le marché de l’édition se porte bien. »

Une grosse ombre au tableau, cependant : « Il y a des correcteurs qui choisissent d’être auto-entrepreneurs. Les TAD et les auto-entrepreneurs vont continuer à coexister, mais ça sera plus encadré », poursuit P. Dutilleul. En introduisant un seuil de variabilité de 15 %, le SNE garantit 85 % de l’activité et en plafonnant cette variabilité à 30 %, il impose aux maisons d’édition de mieux suivre la situation de leurs TAD, fait valoir le DRH du groupe Madrigall. Et à l’intersyndicale qui s’inquiète que les maisons d’édition préfèrent se tourner encore plus vers les correcteurs indépendants pour ne pas avoir des contraintes supplémentaires, le SNE affirme que le nouveau dispositifne sera pas si contraignant pour les maisons d’édition, qu’elles ont les outils pour le faire, et que, en donnant la priorité aux TAD, elles auront l’assurance de faire travailler des gens qualifiés.

L’intersyndicale presse toutefois le SNE de regarder de plus près la question des auto-entrepreneurs. Pas question en effet qu’un TAD subisse une baisse d’activité si le travail correspondant a été donné à un indépendant qui coûte moins cher.

Le DRH du groupe Gallimard promet qu’avant la signature de l’accord le SNE donnera des chiffres sur l’édition et qu’un état des lieux sera fait sur le recours aux auto-entrepreneurs (AE) dans la branche pour les travaux de correction.Ça, c’était le 9 janvier 2018, après la manifestation du collectif Correctrices précaires.

Une douzaine de séances plus tard, force est de constater que le discours n’est plus le même. Le SNE annonce maintenant qu’il est difficile de récupérer les infos sur les AE car elles sont « noyées » dans les comptes « fournisseurs » des maisons d’édition ― l’intersyndical lui avait pourtant indiqué un moyen de le faire : un chef de fabrication connaît le nombre total de signes donnés à corriger dans une année ; les DRH, eux, connaissent le nombre de signes corrigés par les TAD. Donc, par déduction, on peut connaître le nombre de signes donnés à corriger aux auto-entrepreneurs.

Le SNE devait aussi, s’agissant des cadences, faire un tour d’horizon de ce qui se pratique dans les maisons d’édition. Encore une promesse non tenue. Ce tour d’horizon, l’intersyndicale l’a fait à sa place, et a réuni ainsi des informations sur les tarifs « corrects » imposés par les ME aux correcteurs qui « choisissent » d’être indépendants : ces tarifs horaires s’échelonnent entre 15 et 20 €, ce qui assure au correcteur auto-entrepreneur un revenu net compris entre 7 et 10 € de l’heure déduction faite de toutes ses charges (il ne faut pas oublier en effet qu’un auto-entrepreneur, s’il n’a en apparence que 25 % de charges à payer, en a en réalité le double : il doit se payer lui-même ses frais d’atelier, sa mutuelle, sa retraite et, plus généralement, compenser la basique protection sociale que lui offre le régime de l’auto-entrepreneuriat). Bien sûr, pour la maison d‘édition, c’est pain bénit, c’est le beurre et l’argent du beurre ! Pour un ou deux euros de plus par rapport au taux horaire salarié, elle jouit d’une flexibilité maximale sans avoir en plus à s’embarrasser d’un personnel salarié.

Mon indignation a été comble lorsque j’ai découvert les informations que donne le SNE, sur son site Internet, sur la réalisation des livres :

« […] Les frais de création d’un livre sont très variables. A titre indicatif, en pourcentage du prix de vente, ils peuvent représenter entre 1 % dans le cas d’un roman et 15 % dans celui d’un ouvrage illustré. Ils sont à rapprocher d’autres coûts fixes : les frais de structure éditoriale (personnel administratif, personnel éditorial). Certaines tâches peuvent être assurées soit en interne, soit en ayant recours à des prestataires externes. En pourcentage du prix de vente, ils peuvent varier de 5 % (forte « externalisation »)à 20 % (rédaction intégrée). La sous-traitance est prépondérante pour la relecture-correction, la maquette-mise en page, l’iconographie, et même le cœur du métier éditorial (recours à des éditeurs free lance, packagers). »

Et je constate, furieuse, que ces informations ont été mises à jour sur le site du SNE, le 29 novembre 2017, soit bien après le lancement du GDT TAD.

Inutile de vous précipiter sur le site du SNE. Ces informations ont été retirées du site, le 15 juin 2018, après que l’intersyndicale a dénoncé le double discours tenu par le SNE. Ce dernier a pitoyablement expliqué qu’il n’était pas au courant de ce contenu, que la date de la mise à jour correspond à la refonte de leur site et qu’il ne faut donc rien y voir de particulier. Moi, tout ce que je vois, c’est que faire entrer les correcteurs dans la catégorie « Fournisseurs » doit faire partie depuis longtemps des conseils que donne le SNE à ses adhérents pour abaisser leurs coûts de production.

La proposition que j’ai reçue dernièrement de la maison d’édition en question prouve également que la préparation de copie et la correction sur épreuves sont deux étapes d’un même métier. Mais ça, ça n’arrange pas le SNE. Car, d’après lui, ce n’est pas possible, juridiquement, qu’une même personne ait deux classifications différentes. Eh bien, oui, puisque le correcteur d’épreuves ne peut être que classifié « employé », alors que le préparateur de copie ou lecteur-correcteur est cadre, d’après la CCNE. Alors mieux vaut, bien sûr, que les maison d’édition aient un maximum d’employés E9, ça leur coûte moins cher, d’autant plus que ces employés, pour le même prix, font le plus souvent le travail du préparateur de copie : ce que, pudiquement, certaines maisons d’édition appellent des « premières préparantes ».

Donc, on l’aura compris, l’objectif de cette réécriture de l’annexe IV n’est pas tant de déprécariser les TAD que de sécuriser les maisons d’édition en leur évitant, grâce à l’encadrement du volume de travail, de futurs prud’hommes. Bien sûr, pour s’assurer cette sécurité, elles devront :

– recevoir leurs TAD en entretien tous les ans ;

– verser une indemnité compensatrice à partir de la première heure perdue, en cas d’une baisse supérieure à 15 % du volume d’activité ;

– licencier leurs TAD si ces derniers n’acceptent pas une baisse de leur activité supérieure à 30 %), ce qui leur permettra de s’inscrire au chômage ;

– accepter de prendre en compte la demande d’un TAD de voir lisser son salaire sur l’année (demande soumise à condition, toutefois).

Mais, pour le reste, ce nouveau texte, s’il est signé, sera en nombre d’endroits un copié-collé du texte de 2006. Contrairement à ce que l’intersyndicale croyait, dans l’esprit du SNE, l’objectif n’était pas de revisiter « en profondeur » cette annexe, mais de réintégrer les TAD dans leurs droits fondamentaux. Et dans l’esprit du SNE, ces droits fondamentaux, pour les TAD, se résument à ceux-ci : le suivi de la rémunération, la fixation d’un niveau d’activité prévisible (clause d’évaluation), le maintien du salaire en cas de maladie, le droit à la formation, à l’ancienneté et aux indemnités de licenciement. Pas question de parler de la classification, encore moins des cadences, alors que le correcteur, payé sur la base d’un nombre de signes/heure, voit tous les aspects de sa rémunération (salaire, congés payés, indemnités SS, indemnités licenciement, retraite, etc.) directement impacté par ces sujets. En effet, un correcteur E9 qui fait des « premières préparantes » payées au rythme de 15 000 signes/heure engrange deux fois moins d’heures qu’un lecteur-correcteur cadre C2 payé sur la base de 7 000 ou 8 000 signes/heure.

Et que dire du respect des droits fondamentaux, d’ailleurs ?! En ce qui concerne les indemnités de licenciement, et de retraite, le SNE n’est pas à une incohérence près… Dans ce domaine, le fait que les correcteurs et les lecteurs-correcteurs soient mis dans le même sac ne lui pose plus de problème juridique… Son leitmotiv, c’est de dire et répéter que si on accorde à tous les TAD, cadres ou non-cadres, les indemnités conventionnelles prévues pour la catégorie « Employés, tout le monde est gagnant car ces indemnités sont supérieures aux indemnités légales. Oui, il faut savoir que, quand ça l’arrange, le SNE se retranche tantôt derrière le légal tantôt derrière la CCNE (CCNE à laquelle il ne faut pas toucher : les TAD autres que le correcteur continueront à ne figurer que dans l’annexe IV…). Pour le SNE, on continue de constituer une catégorie à part, qui n’a toujours pas les mêmes droits que les salariés sur site. Son sempiternel discours : on est multi-employeurs, donc c’est normal qu’on n’ait pas les mêmes droits.

Bref, pour finir, le groupe de travail sur les TAD va accoucher d’un texte mal ficelé, qui ne tient pas compte de l’évolution du travail sur le terrain et qui, surtout, ne veut pas prendre en compte la variable « auto-entrepreneuriat ». Mais ce simulacre de refonte de l’annexe IV sera là pour prouver aux ministères du Travail et de la Culture que le SNE a réglé la question de la précarité des TAD.

Et pour en revenir à mon cas personnel, il va sans dire que je n’ai pas obtenu le travail proposé…

D.B.

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