Pour tous les correcteurs,
lecteurs-correcteurs et rédacteurs-réviseurs
Les correcteurs et correctrices se sont organisés en syndicat dès 1881 et ont rejoint la CGT en 1895. Aujourd’hui réunis en section de métier dans le Syndicat général du Livre et de la communication écrite CGT, nous avons pour vocation de fédérer et défendre tous les correcteurs, qu’ils travaillent dans la presse, l’édition ou la publicité, sous un statut salarié (TAD, pigistes) ou de microentrepreneur.
Dans sa livraison de novembre 2017, Le Travailleur parisien, journal de l'Union des syndicats CGT de Paris, revient en détail sur l'actualité des correcteurs : les revendications portées et les transformations organisationnelles qui ont vu le Syndicat des correcteurs CGT se fondre dans le Syndicat général du Livre et de la communication écrite CGT.
Après les bouleversements subis dans les métiers de l’imprimerie, les correcteurs, tout comme d’autres avant eux, ont dû se réadapter. État des lieux et perspectives syndicales.
La révolution numérique est aussi passée, bien évidemment, par l’imprimerie et ses métiers dits « du livre ». Parmi ceux-là, les correcteurs n’ont pas été les premiers touchés, mais leur tour est néanmoins venu, engendrant des suppressions d’emploi sans discontinuer. À cela s’ajoute la volonté patronale d’augmenter toujours plus les bénéfices (en diminuant les dépenses, notamment salariales) et de casser le puissant « syndicat du livre CGT », besogne commencée dans les années soixante-dix avec le fameux conflit du Parisien libéré.
Aujourd’hui, l’état des « cassetins » (l’atelier des correcteurs) est effarant. Au Parisien, justement, ils ne sont plus que quatre quand, il y a vingt ans, plusieurs dizaines de correcteurs se relayaient en trois services successifs. Au Monde, ils sont moins d’une dizaine sur deux services successifs. Et à Libération, le cassetin a carrément disparu, la correction étant faite par les secrétaires de rédaction, au détriment ou bien de la correction ou bien de leurs tâches de secrétaires de rédaction. Guillaume Goutte, « rouleur » (remplaçant) au Parisien, secrétaire délégué des correcteurs CGT et par ailleurs membre de la CE de l’UD, raconte qu’il a vu des pages entières du journal échapper progressivement à la correction : les cahiers régionaux, leurs unes, les pages hippisme, etc.
Le laboratoire de la précarisation
Les logiciels de correction, malgré tout le mal que l’on en pense, sont passés par là. Mais aussi la logique de rentabilité qui veut qu’un correcteur ne produit pas et qu’au contraire il ralentit la production. Son rôle est d’améliorer le produit, mais, de cela, l’employeur s’en moque. Après tout, on n’est pas dans l’alimentaire, il n’y a pas risque de mort d’homme si le produit n’est pas vérifié.
Le secteur de la presse quotidienne n’est pas le seul à souffrir de la politique patronale, et n’est pas le pire si l’on regarde celui de l’édition. Ce dernier est même, selon Guillaume Goutte, le laboratoire de la précarisation et de l’auto-entrepreneuriat. Bien que la convention collective stipule que le correcteur est un salarié, les patrons de l’édition demandent de plus en plus aux correcteurs d’adopter le statut d’auto-entrepreneur, nouvelle étape après celle, tout aussi illégale, de payer les correcteurs d’édition en AGESSA, c’est-à-dire en droits d’auteur. Beaucoup de recours ont eu lieu devant les conseils de prud’hommes, souvent avec succès, pour dénoncer le salariat déguisé, des mutuelles discriminatoires et des baisses brutales d’activité. Mais le bilan du contournement de la convention collective, c’est qu’aujourd’hui le correcteur travaille pour un revenu horaire souvent inférieur au smic.
Dans l’édition, c’est la misère
La diminution drastique du nombre de correcteurs a bien sûr eu des répercussions analogues sur le nombre de syndiqués. Le Syndicat des correcteurs CGT, qui comptait plus de mille adhérents il y a vingt ans, n’en dénombrait plus que 350 en 2007 et seulement une centaine (hors retraités) au début de cette année. L’existence même de l’organisation syndicale sur Paris se trouvait posée, car cet affaiblissement n’est pas simplement arithmétique. Il s’est en effet accompagné de la perte de certaines prérogatives. Son rôle de bureau de placement, par exemple, s’est vu concurrencé par de nouveaux réseaux lui échappant (notamment celui de Formacom, organisme de formation au métier mis en place par des syndicalistes CGT). Il s’est aussi déplacé du syndicat à l’atelier : ce n’est plus le syndicat qui choisit le nouvel embauché mais le cassetin.
Par ailleurs, les correcteurs de la presse quotidienne, jusqu’alors ouvriers du Livre, ont désormais, comme ce fut le cas il y a de très nombreuses années dans la presse magazine, le statut de journalistes. Les rouleurs sont devenus des « pigistes ». « Heureusement, dit Guillaume, directement concerné, que les services sont encore à peu près correctement rémunérés car, avec une moyenne de huit ou neuf services par mois, il serait difficile de s’en sortir. » Cependant, tout cela n’est pas garanti, et la précarité s’installe aussi dans la presse quotidienne.
Mais où il y a scandale, c’est bien dans le domaine de l’édition, « le grand abandonné dans l’histoire du syndicat », souligne Guillaume Goutte. Outre l’auto-entrepreneuriat qui fait des ravages, existe bien encore un CDI, celui du travailleur à domicile, qui est censé travailler pour plusieurs employeurs, mais il est au rabais car aucun volume de travail minimum n’est garanti, pas plus, bien sûr, que la multiplicité des employeurs. Seule certitude : pas d’allocation chômage.
Vers un renouveau syndical
Guillaume Goutte indique que son organisation syndicale entend faire du domaine de l’édition un champ d’intervention prioritaire et, dans le cadre de la lutte contre la précarisation, engager la lutte en vue d’obtenir, pour les correcteurs à domicile, un minimum mensuel garanti sur la base du revenu de l’année précédente. Il annonce aussi une action résolue pour syndiquer les auto-entrepreneurs, et rappelle l’exemple des livreurs à bicyclette qui se sont organisés syndicalement, et avec qui des contacts ont été noués. Mais les correcteurs à domicile, eux, n’ont même pas de plates-formes et sont vraiment isolés. C’est pourquoi ils sont si difficiles à atteindre et à organiser. Le syndicat parisien n’en dénombre qu’une petite quarantaine dans ses rangs, et ils ne seraient que six cents en France.
Après un an de débats (intenses, comme le sont, historiquement, les débats chez les correcteurs), l’assemblée générale du 25 mars 2016 a tranché et le Syndicat des correcteurs CGT s’est depuis fondu dans le SGLCE-CGT (Syndicat général du livre et de la communication écrite), plutôt qu’Info’com-CGT ou le Syndical national des journalistes CGT (SNJ-CGT). « Le syndicat de métier a fait son temps, explique Guillaume Goutte. Aujourd’hui, on doit se tourner vers un syndicat d’industrie. Néanmoins, notre métier de correcteurs a ses spécificités. Or, Info’com ne nous offrait pas d’existence en tant que corporation et intégrer le SNJ-CGT nous aurait obligés à abandonner le secteur de l’édition. Le SGLCE, lui, est organisé en “sections” de métier et en collectifs transversaux, et cela nous permet de sortir du strict corporatisme tout en conservant les aspects et les revendications propres à notre métier. Et, jusqu’à présent, tout se passe très bien au sein du SGLCE. » Les correcteurs y forment une « section professionnelle » – aux côtés des photograveurs, de la presse, du labeur, du départ, du routage, de la maintenance… –, ont conservé leur bureau à la Bourse du travail, leur bulletin, Cantonade, et comptent sur cette intégration dans le SGLCE, au bureau duquel siège Guillaume, pour redynamiser leur action syndicale.
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Francis Ambrois
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